Les légumes d’Harald Gasser ne sont pas toujours beaux à voir et coûtent cher. Tous ses clients, sans exception, sont des chefs étoilés du Sud-Tyrol et des régions frontalières. Eux aussi sont constamment à la recherche de produits locaux, de saison et sortant un peu du lot. Son premier acheteur, il y a des années, fut Herbert Hintner du restaurant Zur Rose à Eppan/Appiano. Harald Gasser et lui sont très proches. Et puis, le bouche-à-oreille aidant, ses légumes se sont fait connaître parmi la communauté des restaurateurs en gastronomie. « Les chefs me disent comment ils aimeraient que leurs légumes soient. Chacun y va de ses petites exigences. » À la ferme Aspingerhof, on s’adapte à chaque demande.
« Je n’élève pas de vaches », a déclaré une fois Anna Matscher, cheffe étoilée du Zum Löwen à Tisens/Tesimo, alors qu’elle avait Harald Gasser au téléphone. Il avait commis l’erreur de lui livrer des feuilles de salade qu’elle trouvait beaucoup trop grandes. Les chefs sont pourtant généralement assez peu regardants sur l’aspect esthétique des produits. Arturo Spicocchi, qui était jusqu’à récemment chef cuisinier au restaurant Stüa de Michil à l’hôtel La Perla de Corvara, se moquait, au début, de l’apparence des légumes qu’on lui livrait. Aujourd’hui, il est pourtant revenu sur ses premières réactions : « Les carottes qu’on m’a livrées déjà un peu rongées étaient en fait les meilleures que j’aie jamais goûtées. » Les particuliers trouvent souvent, quant à eux, que ce type de produits n’est pas assez attrayant. C’est la triste expérience qu’Harald Gasser en a fait. Et c’est la raison pour laquelle beaucoup de gens préfèrent acheter leurs légumes en supermarché.
Les légumes comme ceux que cultive Harald Gasser ne pourraient jamais être commercialisés sur les étals de supermarchés. Au Sud-Tyrol, les fermiers ne font pas de culture ou d’élevage intensifs. Ce sont de petites exploitations avec, pour la plupart, des surfaces agricoles équivalant à celle de deux à cinq terrains de football. « Nos paysans doivent se positionner sur une gamme de prix élevée. Il faut donc que leurs produits respectent des standards de qualité supérieurs. Et ce, de façon constante », souligne Ulrich Höllrigl de l’Union des paysans. Ces exigences, rares sont ceux qui, parmi les 20 000 paysans du Sud-Tyrol, sont capables de les tenir sur le long terme. Ulrich Höllrigl en est bien conscient : « L’industrie laitière, la viticulture et l’arboriculture fruitière sont et resteront, à l’avenir, les piliers de l’agriculture au Sud-Tyrol. »